Attendez voilà la version bien plus détaillée de Eric Malherbe !
SUPERBIKE BRNO 2012 : Quand Liberty dépasse les bornes
Hier soir jeudi 19 juillet, je dîne en compagnie de Sylvain Guintoli sous l'auvent de l'hospitality du team Liberty Racing, quand ce dernier reçoit ce communiqué de presse par email sur son téléphone, exactement comme le journaliste que je suis, sans aucune concertation préalable, ni même avoir été prévenu.
Au vu de ce qui vient de se dérouler ces dernières heures, le Team Liberty Racing souhaite clarifier sa position et les facteurs qui ont influencé les évènements menant à la fin de sa collaboration avec le pilote Sylvain Guintoli.
- Premièrement, les résultats médiocres obtenus par le pilote, résultats totalement inappropriés comparés aux investissements massifs, à l’équipement technique et aux efforts humains qui lui ont été offerts, ainsi que le relatif manque de retombées presse pour le sponsor principal, ont entraîné une réduction des investissements de ce même sponsor, comme cela avait déjà été le cas par le passé ;
- Pour le Liberty CZ Group, il est très important de rationaliser les coûts afin d’assurer la pérennité du Team, compte-tenu également de la période ponctuelle de crise générale, qui a récemment mené la compagnie à un niveau d’alerte ;
- Le staff technique a pris une décision dure dans ce moment de tension nerveuse créé par des malentendus avec la direction administrative du groupe ;
- Le caractère superficiel et la légèreté avec laquelle ont été traités des problèmes internes au Team, ainsi qu'une utilisation non nécessaire de la rumeur médiatique, n’est pas un comportement professionnel, cela abime les relations de confiance construites depuis plusieurs mois de collaboration ;
- Le Team laissera encore de la place et une possibilité d'évolution sur la durée aux jeunes pilotes, c’est une politique plus en phase avec le développement de la marque Effenbert.
Le Liberty Racing Team, comme clairement exprimé ci-dessus, regrette ce qui s’est passé, conformément aux choix faits par le pilote et par le staff technique, et confirme qu’il continuera à avancer dans le futur en suivant un objectif constructif, ce qui a toujours été la marque distinctive du Liberty Racing Team. Le Team souhaite bonne chance à Sylvain Guintoli et à tout le staff technique pour leurs carrières respectives.
Je me suis posé la question de savoir si je devais ou non raconter la scène dont j'ai été témoin suite à ce communiqué, entre Sylvain Guintoli et Mario Bertuccio, directeur du team Liberty Racing qui dînait quelques tables plus loin. Il n'est pas question de causer le moindre tort à qui que ce soit. Cependant, la situation est telle au coeur du haut niveau du sport moto qu'il me semble nécessaire de dénoncer les abus auxquels de plus en plus de pilotes et de mécaniciens doivent faire face.
Selon des sources internes au team, Liberty Racing n'a pas payé ses mécaniciens depuis au moins trois mois. Certains ont démissionné avant de venir à Brno. D'autres, en arrivant à Brno. D'autres encore, malgré le fort vent de fronde qui grondait dans le box mercredi, ont finalement décidé de rester. Jeudi, Mario Bertuccio a pris la décision de se séparer de Sylvain. Pilote sous contrat qu'il n'a pas payé. Par égard au pilote Français, je ne dévoilerai pas la somme que le patron italien lui doit, mais elle est importante.
A ce jour, Sylvain est le seul pilote totalement privé à avoir remporté une course du championnat du monde Superbike depuis 2008 (Ruben Xaus, Ducati Sterilgarda, Misano 2008). Il a fait mieux que Carlos Checa lors de quatre courses cette année, rapportant à ces occasions les points du championnat constructeur à Ducati. Les autres pilotes de son team sont loin derrière. Comment recevoir le premier argument du communiqué "les résultats médiocres du pilote" autrement que comme une insulte ? C'est injuste, insultant et faux. C'est n'avoir aucune considération ni pour le pilote, ni pour l'ensemble de son staff technique qui oeuvre à ses côtés course après course. Si encore, Monsieur Bertuccio était présent sur toutes les courses, qu'il travaillait aux côtés de son équipe et qu'il apportait autre chose que de la suspicion, on pourrait sans doute accorder un certain crédit à ses propos. Mais c'est loin d'être le cas.
La manoeuvre est grossière. L'objectif de ce communiqué est ni plus, ni moins, de discréditer Sylvain Guintoli pour éviter de le payer. Le monde du sport s'apparente de plus en plus à celui de la finance où les scrupules s'évaporent devant l'intérêt et l'enrichissement de quelques uns. Comme beaucoup de sportifs qui consacrent la majeure partie de leur existence à s'entraîner, à prendre des risques et à se dépasser pour notre plus grand plaisir (et aussi pour le leur), Sylvain a la passion chevillée au corps. Suite à ce communiqué, devant tout le monde, il a dit ce qu'il avait à dire, sans mâcher ses mots, à Mario Bertuccio. Et il s'en est allé.
Le prochain sur la liste ? Certainement Jakub Smrz. Il est derrière Sylvain en terme de rémunération. Bertuccio ne peut pas le virer alors qu'il dispute à Brno son Superbike national et que le sponsor principal du team est Tchèque. Mais à Silverstone, il y a un risque qu'il saute. Et pour Maxime Berger ? Le jeune tricolore est dans une autre situation. C'est un pilote qui paye sa place au team. Aucune raison qu'il saute. Liberty Racing terminera l'année avec deux motos. Celle de Berger d'un côté, celle du canadien Brett McCormick de l'autre, qui devrait revenir en course à Silverstone si son état de santé le lui permet (il avait été sérieusement blessé à Assen, notamment au niveau des cervicales). Lui aussi est un pilote payant. Normal alors que le communiqué précise qu'il préfère "investir" sur les jeunes pilotes. Il faut dénoncer ce genre d'hypocrisie en forme de poudre aux yeux pour gogo.
Quant aux retombées presse, la marque de bière Effenbert, que je n'ai personnellement jamais vue en boutique ou dans un bar (y compris en République Tchèque), elle n'est plus citée dans les communiqués officiels du team depuis Monza. Depuis la colère du propriétaire du team après les incidents au départ de la manche milanaise, et la Superpole de Sylvain sur un circuit défavorable aux Ducati, dont d'ailleurs la Gazetta Dello Sport se faisait l'écho en Italie, non sans saluer l'exploit du Français. Les communiqués de presse de ce team ne sont qu'un ramassis dégoulinant de propos sans consistance, mal traduit en Anglais depuis le Tchèque et l'Italien. Alors, reprocher à un pilote la communication plus que médiocre du team ne semble pas opportune. Je ne parle pas évidemment des nombreuses retombées de Sylvain dans la presse spécialisée française, notamment à travers Moto Journal (je suis bien placé pour en parler). Le propriétaire du team en a parfaitement connaissance.
Dans le paddock, l'affaire Guintoli s'est répandue comme une trainée de poudre. Et elle ne fait rire personne, car la plupart des pilotes et des mécaniciens se sentent évidemment concernés. Car demain, ce sera peut-être leur tour !