Une métaphore signée Bilou, motard Toulousain rappelé trop tôt par le grand gourou casqué, pour expliquer à un nioubie comment ça marche, tout ça !Alors voilà, figure toi que le forum sur lequel tu t'exprimes depuis quelques jours, c'est un peu comme un bistrot de village, ou comme celui d'un quartier pas encore trop bétonnisé et déshumanisé d'une grande ville.
Dans ce bistrot, il y a les habitués, il y a les piliers de bars, qui ont des grosses voix et qui racontent à la cantonade des bonnes blagues ou des histoires qui font rêver les autres, il y a les tauliers, derrière le comptoir, qui sont ravis d'ouvrir leur porte à tous leurs habitués, car ils savent que ce sont justement ces habitués qui font tourner leur commerce, il y a les pressés du matin qui viennent prendre des nouvelles des potes en buvant leur cawa bien chaud, il y a les insomniaques qui philosophent sur la vie jusqu'à pas d'heure, d'autres qui ne disent rien mais qui n'en pensent pas moins... Tous ces gens là se côtoient depuis déjà un bon bout de temps, ils ont fini par apprendre à se connaître, parce que dans un village ou un petit quartier comme le nôtre, tout le monde finit par se connaître, à se saluer quand on se croise dans la rue, à prendre des nouvelles de petit dernier qui a choppé la grippe, de nos dernières vacances, que sais-je encore.
Mais ce bistrot typique, avec son comptoir en bois, ses tables dépareillées et ses chaises un peu déglinguées, c'est aussi un bistrot comme les autres, où chacun peut entrer pour boire un petit café. Les tauliers sont pas sectaires, ils acceptent tout le monde. Et toi un jour, alors que tu passais dans le quartier, tu es passé devant le petit bistrot, mais tu n'avais pas le temps de t'y arrêter, alors tu as continué ton chemin et tu as fait ce que tu devais faire, tu es allé travailler, ou à un rendez-vous... et puis, un autre jour tu es de nouveau passé devant, et tu as remarqué qu'il y avait du monde à l'intérieur, et que l'ambiance chaleureuse qui y régnait avait l'air ma foi fort sympathique, alors tu t'es dit "tiens, un jour je m'y arrêterai pour ma pause déjeuner, je me prendrais bien un sandwich, c'est sans doute meilleur que la cantine, ou alors un cawa le matin en allant bosser". Et un jour tu es rentré, tu as pris ton kawa au comptoir et tu t'es installé sur la table du coin, prés du flipper, un vieux machin aux couleurs défraîchies mais pourtant toujours gaillard, même s'il lui manquait la moitié des pièces sous sa vitre rayée par les décennies qu'il avait vu défiler.
Et pendant que tu buvais ton café, tu entendais les habitués raconter leur vie, ou commenter le match de la veille. Dans un coin, un autre habitué lisait son journal, en mâchonnant son croissant au beurre et en écoutant d'une oreille distraite mais sûre les autres dont les voix emplissaient tout l'espace déjà presque saturé de fumée de cigarettes. De temps en temps, il levait les yeux par dessus son journal pour intervenir dans la conversation, et donner son avis, que les autres prenaient la peine d'écouter. Au comptoir, un bourlingueur un peu grincheux sirotait son ballon de rouge en grommelant contre l'inflation, contre ce monde qui part en couille, un peu contre tout en fait. Mais les autres habitués venait quand même lui taper sur l'épaule et discuter avec lui, de tout et de rien, parce qu'après tout, il avait pas tout à fait tort : ce monde part vraiment en couille.
Franchement, tu te disais que tu avais vraiment bien fait de venir boire ton café ce matin-là, que l'ambiance te plaisait bien, et que ce petit bistrot de quartier, ma foi, tu y reviendrais. Et tu y es revenu, le lendemain même heure, pour prendre ton petit café du matin, et ce coup-ci, tu es resté au comptoir pour le savourer, parce que le café du patron, c'est pas la daube infâme et lyophilisée de la machine à café du bureau. Et comme la veille, les habitués étaient là, ils discutaient, tu en reconnaissais déjà certains, dont le grincheux qui pestait devant son ballon de rouge, ou le patron derrière le comptoir, ou encore les quatre zigotos qui jouaient au baby foot au fond de la salle en rigolant fort.
Et au comptoir, ça discutait ferme à propos des dernières conneries de nos politicards, et toi, peut-être un peu agacé par la remarque d'un des gars accoudés comme toi au comptoir, tu as pris la parole pour gueuler un coup, avec ta grosse voix un peu forcée pour te faire entendre, pour faire un peu comme tous les autres en somme. Mais là, tout le monde s'est retourné et t'a regardé comme un seul homme, un silence de quelques secondes s'est abattu dans la salle, un silence qui t'a paru durer huit milles ans, et les gens sont retournés à leur conversation, pendant que tu cherchais une quelconque issue de secours au fond de ta tasse de café. Les gens se sont fermés, ils t'ont tourné le dos. Et tu t'es retrouvé tout seul avec ta tasse à café.
Ce bistrot là, il s'appelle
Streetriple, c'est le bistrot des copaings, ici les gens se connaissent, ils ont leurs codes, chacun a sa façon de parler et de penser, il y a des avis divergents sur tout, mais tout le monde sait comment son voisin fonctionne. Si tu prends le temps de t'intéresser aux clients de ce gastos, d'apprendre à les connaître, tu t'apercevras que sous leur carapace un peu rugueuse, ce sont tous des gens fort sympathiques prêts à discuter avec toi, à t'accepter parmi eux, et à te payer un coup à boire (si si, ça arrive !). Ce bistrot là, c'est le bistrot de tout le monde, chacun y amène sa petite pierre et il se construit un peu tous les jours, reposant sur quelques piliers un peu bourrus, mais finalement attachants.
Ce bistrot là, c'est un peu le mien aussi, il est bordélique, il sent l'huile chaude, le pneu et la clope, il a ses clients caractériels, il est loin d'être parfait, un peu bruyant, il transpire la mauvaise foi motarde... mais je l'aime
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Bilou. Patron, un demi !